JE-AN
Auteur de nombreux textes rédigés à la première personne du singulier, Je-an est la personnalité du système SGG à qui revient la responsabilité du je écrit.
Individu profondément solitaire, mutique mais néanmoins loquace (monologue logorrhéique stylographié), la fréquence de ses apparitions varie selon les périodes : jamais à l’écart très longtemps, ses prises de contrôle peuvent s’avérer abondantes et itératives lors d’épisodes dépressifs (prégnance du narcissisme).
De nature ego-centrée, il accorde avant tout importance à son vécu propre ; ses expériences quotidiennes, ses ressentis et réflexions, rapportés au travers de carnets tenus tel un Journal, selon un point de vue principalement subjectif. Il y traite ses peurs et ses doutes, ses maux, ses frustrations et ses désirs, ainsi que de menus détails fondant ses joies ou motivant sa prise de plume.
Si l’auteur s’essaie par moments à l’esthétisation de son écriture au moyen d’une prose à tonalité poétique, la plupart du temps, son propos s’approche davantage de l’association libre employée en cure psychanalytique : spontané, il exprime sans discrimination ni même logique apparente les idées lui venant à l’esprit. Dans de tels cas, son besoin d’expression semble impérieux. Il fait usage des mots pour leur fonction antalgique, pour extérioriser ses émotions et tensions – effets de courte durée si l’on tient compte du fréquent ressassement des mêmes tourments (principe d’inertie).
Pour lui, l’écriture est également un moyen de clarifier les choses. Ainsi matérialisées sur le papier, ses pensées acquièrent une réalité supplémentaire favorisant l’assimilation de l’information et permettant parallèlement un gain de lucidité sur la situation (prévention du déni).
En outre, le récit parfois détaillé d’aventures vécues témoigne de son souhait de conserver le souvenir d’un maximum de traces de son existence, l’individu empreint de nostalgie étant angoissé par l’oubli inévitable causé par le passage du temps.
Nonobstant ses bénéfices cathartiques, mnémoniques et ses fonctions d’assimilation, l’écriture de Je-an revêt également un caractère obsessionnel, source permanente de perturbation.
Son inclination à traduire en phrases l’intégralité de ce qu’il perçoit prive parfois l’homme de lettres et les alters de la pleine expérience de l’instant – permutation entre le réel et une conception littéraire de ce dernier symptomatique des troubles de déréalisation. Je-an déplore une récurrente sensation d’inaccessibilité au présent : l’écart de célérité entre le flux de la conscience et le flux de la rédaction, ou encore le délai nécessaire au traitement analytique et rédactionnel d’un événement, l’astreignent à demeurer dans un a posteriori. En définitive, l’écrivain juge vaine son activité scripturale en raison de l’insuffisance du langage à rendre compte de l’irréductibilité de la vie intérieure.
Pour l’heure, il subsiste deux points énigmatiques qu’il conviendra d’étudier plus amplement.
Primo, les relations entretenues par Je-an et certains alters du système. En quelques occasions, des traits d’esprit communs entre ces derniers sont décelables à travers les propos de l’auteur – similitudes stylistiques, intellectuelles et sensibles avec les vers bechowskiens notamment –, laissant à penser que ses mots lui seraient insufflés (acousmates) par d’autres personas ; le recours occasionnel au nous pluriel signalant sa conscience de la multiplicité de L.B.
Secundo, l’hypothétique proximité entre celui s’exprimant par je et l’hôte du Syndrome SGG. Selon une approche linguistique, le je de l’énonciation est un sujet (fonction grammaticale) distinct du sujet biographique (l’auteur empirique) qui se réfère à un être de langage et non à une personne psychologique ; principe incitant à supposer que Je-an serait peut-être moins l’auteur du texte que son produit – une figure de l’auteur. Dans cette hypothèse le condamnant à n’être que figure littéraire, il s’agit alors de s’interroger sur l’identité victime d’une alter-ation dès la phrase ponctuée.